" Il ne suffit plus de dénoncer. Il nous faut maintenant énoncer. Il ne suffit pas de rappeler l'urgence. Il faut savoir aussi commencer par définir les voies qui conduiraient à la Voie. Ce à quoi nous essayons de contribuer.
Quelles sont les raisons d'espérer?
Nous pouvons formuler cinq principes d'espérance.
1. Le surgissement de l'improbable.
Ainsi la résistance victorieuse par deux fois de la petite Athènes à la formidable puissance perse, cinq siècles avant notre ère, fut hautement improbable et permit la naissance de la démocratie et celle de la philosophie. De même fut inattendue la congélation de l'offensive allemande devant Moscou en automne 1941, puis improbable la contre-offensive victorieuse de Joukov commencée le 5 décembre, et suivie le 8 décembre par l'attaque de Pearl Harbor qui fit entrer les Etats-Unis dans la guerre mondiale.
2. Les vertus génératrices/créatrices inhérentes à l'humanité.
De même qu'il existe dans tout organisme humain adulte des cellules souches dotées des aptitudes polyvalentes (totipotentes) propres aux cellules embryonnaires, mais inactivées, de même il existe en tout être humain, en toute société humaine des vertus régénératrices, génératrices, créatrices à l'état dormant ou inhibé.
3. Les vertus de la crise.
En même temps que des forces régressives ou désintégratrices, les forces génératrices créatrices s'éveillent dans la crise planétaire de l'humanité.
4. Ce à quoi se combinent les vertus du péril
:"Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve." La chance suprême est inséparable du risque suprême.
5. L'aspiration multimillénaire de l'humanité à l'harmonie
(paradis, puis utopies, puis idéologies libertaire /socialiste/communiste, puis aspirations et révoltes juvéniles des années 1960). Cette aspiration renaît dans le grouillement des initiatives multiples et dispersées qui pourront nourrir les voies réformatrices, vouées à se rejoindre dans la voie nouvelle.
L'espérance était morte. Les vieilles générations sont désabusées des faux espoirs. Les jeunes générations se désolent qu'il n'y ait plus de cause comme celle de notre résistance durant la seconde guerre mondiale. Mais notre cause portait en elle-même son contraire. Comme disait Vassili Grossman de Stalingrad, la plus grande victoire de l'humanité était en même temps sa plus grande défaite, puisque le totalitarisme stalinien en sortait vainqueur. La victoire des démocraties rétablissait du même coup leur colonialisme.
Aujourd'hui, la cause est sans équivoque, sublime : il s'agit de sauver l'humanité.
L'espérance vraie sait qu'elle n'est pas certitude. C'est l'espérance non pas au meilleur des mondes, mais en un monde meilleur. L'origine est devant nous, disait Heidegger.
La métamorphose serait effectivement une nouvelle origine."
Edgar MORIN
Extrait de l'Eloge de la Métamorphose publié dans le monde.fr le 9 janvier 2009
Sociologue et philosophe. Né en 1921, est directeur de recherches émérite au CNRS, président de l'Agence européenne pour la culture (Unesco) et président de l'Association pour la pensée complexe. En 2009, iI a notamment publié "Edwige, l'inséparable" (Fayard). A lire également, "La Pensée tourbillonnaire - Introduction à la pensée d'", de Jean Tellez (éditions Germina)
Excellent article ! Personnellement j'ai trouvé cet espoir de survie terriblement rafraîchissant, à mettre en opposition avec le résignement de certains jeunes d'ajourd'hui. (http://bit.ly/92hGl7 pour mon avis complet)
RépondreSupprimer